À propos

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Pouvoirhabitant.fr est un blog politique. Créé pour explorer des intuitions, développer des hypothèses, mais aussi écrire comme ça nous vient, avec un ton libre. Des réactions à chaud à l’actualité aux analyses prise de tête, en passant par des billets d’humeur, ce blog nous permet d’élaborer et de confronter des idées autour des stratégies adaptées au XXIe siècle, autour des pratiques militantes et des questions organisationnelles. S’ils peuvent s’entrechoquer et entrer en contradiction, les écrits que l’on y trouve ont un point commun : ils se font principalement par le prisme d’un certain regard politique, celui du pouvoir habitant.

Nous voulons dessiner des alternatives politiques qui partent de la vie quotidienne, de nos besoins et de nos problèmes concrets, des questions de subsistance, habiter, se nourrir, se chauffer, boire, etc., et de la façon dont elles se heurtent aux logiques capitalistes. C’est pourquoi vous trouverez ici un grand nombre de billets autour des enjeux liés à la ville, à la métropolisation, aux ruralités, au territoire, à côté ou mêlés à des sujets comme le travail, les mouvements sociaux, la critique politique nationale et internationale. Nous explorerons également la voie du communalisme comme stratégie de transformation, car elle nous paraît prometteuse. Nous écrivons en tant qu’habitant·es qui luttent au quotidien contre les forces du capital, contre ceux qui nous voient comme des forces de travail à exploiter et voient nos lieux de vie comme des marchandises dans lesquelles investir.

Le capitalisme spatial 

Habiter, ce n’est pas simplement être dans un lieu, c’est modeler ce lieu, avoir une influence sur le cours des choses.

Mais ce pouvoir habitant à modeler son lieu de vie, son quartier, sa ville, est limité par le pouvoir des investisseurs et des élus qui s’arrogent le monopole de décider de l’aménagement de nos lieux de vie.

Les investisseurs voient la ville comme un bien marchand, un moyen de gagner de l’argent : ils y construisent des logements ou des bureaux pour placer leur argent, ils y bâtissent des moyens de production pour produire d’autres marchandises, ils la rendent attrayantes pour attirer la main d’œuvre dont ils ont besoin… Les campagnes sont également prises dans cette dynamique de métropolisation : autour des grandes villes qui concentrent les lieux de pouvoir et de richesse, il faut des territoires servants pour extraire des matériaux (comme le sable), des zones industrielles, des routes. 

Là où leur pouvoir passe par la mobilisation d’argent, le nôtre grandit par la mobilisation collective et notre pouvoir de faire. En tant qu’habitant·e, nous devons nous organiser pour renforcer notre pouvoir à agir, notre autonomie.

En réalité, nous n’avons pas à affaire seulement à des personnes qui décideraient à notre place, mais aux porte-paroles de la logique marchande, d’où le fait qu’ils voient leur manière de faire comme strictement rationnelle et apolitique. Le capitalisme est matériel, il se matérialise dans des infrastructures, il se déploie dans l’espace et dans le temps et dans ce mouvement, il transforme l’espace et le temps. La logique capitaliste façonne nos lieux de vie pour répondre à ses propres besoins : plus l’espace est comprimé, plus les marchandises circulent vite, plus la circulation de l’argent est rapide, plus le capital s’accumule vite, et concrètement, plus le retour sur investissement est intéressant.

Faisons grandir le pouvoir habitant en créant nos propres institutions à la fois pour répondre à nos besoins et projeter un nouvel imaginaire, celui d’un autre monde possible.

Pourquoi parler de pouvoir ? 

Nous sommes dans une situation d’impuissance politique et sociale. Il est logique de s’interroger sur notre pouvoir, au sens de ce qu’on peut faire, parce que nous avons besoin de retrouver une capacité d’agir. Il semble aussi logique d’assumer de vouloir constituer un pouvoir populaire à une époque où il est particulièrement faible.

Mais le pouvoir a mauvaise réputation : il corrompt, il rend mauvais, il pousse les amis à s’entretuer. Le rejet du pouvoir est logique, on est rétifs au pouvoir qui s’exerce sur nous.

Est-ce qu’on peut s’en passer ? Les courants socialistes révolutionnaires se sont opposés sur cette question, en faisant pour beaucoup le pari qu’il faut tout de même l’exercer de manière transitoire.

Parce qu’il semble que le pouvoir ne disparaît pas, qu’il s’exerce de fait. Mais de multiples manières différentes, via des organisations sociales très variées, pas forcément étatiques, économiques, mais aussi par une série d’institutions qui modèlent nos vies.

Nous avons choisi de penser en termes d’institutions sociales, et de penser la question du pouvoir de manière ouverte

L’habitant·e, figure révolutionnaire ?

De nombreuses figures ont émergé au cours de l’histoire, en réaction aux différentes phases d’expansion du capitalisme : les défenseurs et surtout défenseuses des communaux ; les marronnes et marrons organisant les soulèvements contre les esclavagistes ; les sans-culottes qui, au cœur de la Révolution française, se sont organisés dans les sections pour porter des revendications sociales et transformatrices ; les guerrières et les guerriers qui ont résisté à la colonisation, du premier jour jusqu’à l’indépendance ; les Communard·es qui ont érigé la Commune qui a ouvert des perspectives infinies ; et bien d’autres encore.  

La figure du travailleur a longtemps été au centre des mobilisations sociales et vue comme potentiel sujet révolutionnaire. Marx a montré comment, dans le capitalisme, le travailleur est le créateur de la valeur économique et le moteur du progrès. La valorisation des travailleurs, et même du travail, signifiait l’affirmation de la dignité des masses et la contestation de la captation de la valeur ajoutée. 

Cependant, aujourd’hui, les terrains de lutte se sont en partie déplacés. Ce n’est plus simplement le travail contre le capital. Le travail a été glorifié, valorisé, et parfois instrumentalisé par le néolibéralisme, qui en a fait une vertu productiviste. L’ensemble de nos lieux de vie sont mis sous pression, nos temps de loisir deviennent des sources de profit, les limites terrestres sont dépassées les unes après les autres. Les enjeux contemporains appellent à penser une société post-capitaliste, où la résistance ne se limite plus au champ du travail, mais s’étend à l’habitat et à la défense de la vie quotidienne. En réalité, ces champs de résistance ont toujours existé, y compris dans le mouvement ouvrier, mais ils deviennent de plus en plus centraux et visibles. Les conditions d’habitat sont de plus en plus modelées par le capitalisme, depuis le début de la révolution industrielle ; tandis que les capitalistes sont propriétaires des moyens de production mais aussi de nombreux logements, ou moyens de production liés à l’habitat.

Habiter n’est pas un fait individuel ; c’est une question profondément collective. Habiter, c’est cohabiter. C’est entrer en relation avec d’autres, avec les territoires, et ces relations sont modelées par des rapports de pouvoir. Ainsi, la question de l’habitat devient un champ privilégié de la lutte des classes. D’un côté, ceux qui exploitent nos lieux de vie, qui les voient comme des marchandises ou des ressources, et de l’autre, les habitant·e·s, qui cherchent à réapproprier ces espaces, à les rendre habitables, vivables et durables.

Dans ce contexte, la métropole n’est pas seulement un lieu de pouvoir économique et politique ; elle incarne la transformation capitaliste de l’espace.

L’habitant·e, en résistant à cette logique, devient alors une figure révolutionnaire, un acteur et une actrice du changement social. À travers le pouvoir habitant, il ou elle revendique la capacité de transformer non seulement l’espace physique mais aussi l’organisation sociale et politique de la société.

Pourquoi le pouvoir habitant ? 

Nous avons introduit cette idée il y a quelques années pour penser et décrire nos activités militantes. Nous y avons vu un point commun entre ce que nous faisions et d’autres initiatives, qui d’apparence étaient différentes mais partageaient certaines caractéristiques.

Les initiatives qui relèvent de la construction d’un pouvoir habitant se multiplient. On observe de plus en plus de forces collectives qui, à partir de leur lieu de vie et des préoccupations du quotidien, cherchent à constituer des (contre-)institutions légitimes et populaires. Ces initiatives permettent à leurs membres de retrouver une souveraineté concrète sur leur vie. Ces initiatives rassemblent des personnes qui tentent de se réapproprier la chose politique par des dynamiques territorialisées et se cristallisent autour d’objets divers : contestation de projets locaux, luttes liées au logement, opposition à un pouvoir municipal, ou encore agglomération de colères face aux problématiques quotidiennes.

Ces dernières années, ces initiatives ont souvent émergé sous la forme de « mouvements sociaux qui s’ignorent », comme les luttes urbaines contre la reconfiguration de quartiers populaires ou les mobilisations locales. À chaque fois, à partir de la contestation d’un projet urbain, ces expériences imaginent et proposent de nouvelles façons de concevoir le territoire ou le quartier. Elles défendent une réappropriation habitante des lieux de vie, souvent en tissant des alliances inédites. Ces dynamiques peuvent perdurer dans le temps, se transformant parfois en syndicats d’habitant-es ou en mouvements municipalistes visant à reprendre les institutions locales par le biais des élections.

Le pouvoir habitant, c’est la recherche d’un remède à notre impuissance politique. Il s’agit de chercher des prises de transformation du monde, en partant de la construction d’un pouvoir collectif, d’une capacité à habiter autrement nos lieux de vie et à les modeler selon nos volontés. Là où nos espaces sont souvent façonnés par des logiques économiques ou administratives, le pouvoir habitant tente de réinsuffler une volonté populaire, personnelle et collective.

Ces initiatives politisent les lieux de vie. Elles se distinguent à la fois des initiatives strictement communautaires ou autogestionnaires, y compris de type « oasis », centrées sur leurs propres participants, et d’une activité politique plutôt classique, électorale ou centrée sur la diffusion d’idées. Il s’agit ici de s’adresser à des milliers de personnes, mais avec cette ambition de commencer à faire, directement, une partie de ce que l’on prône. Dans une époque où l’action collective et l’activité politique ne sont plus des évidences, où les solidarités concrètes s’amenuisent, c’est une manière de construire un récit commun et de multiplier des actions qui répondent aux enjeux du moment.

Ce blog est un espace pour contribuer à dessiner ce nouveau récit. 

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