« Tout ce qui est anti-woke, je le défendrai. Et comme Donald Trump est le symbole de l’anti-wokisme […] je défendrai Donald Trump » – Cyril Hanouna
Le rôle des animateurs télé dans la construction d’un espace public d’extrême–droite a été largement pointé, en particulier celui de ses figures de proue Praud et Hanouna.
On voit bien ce qu’ils produisent : une banalisation des discours favorables au RN et aux idées de droite radicale, la transformation en évidences de thèses qu’on n’aurait pas osé discuter sur les plateaux il y a quelques années. Et aussi une inflammation des discours politiques, en entretenant une culture du clash, contribuant à une forte polarisation affective.
Dans cet article, nous essaierons de revenir sur la manière dont ils produisent ces effets.
D’abord, on peut noter que ces deux personnages se revendiquent du bon sens plutôt que d’un bord politique. À la différence de Zemmour dans les années 2010, ils ne sont pas sur les plateaux en tant que chroniqueurs de droite, ils ne militent pas ouvertement, ils se positionnent dans une forme de neutralité en tant qu’animateurs.
Ce qui est frappant, c’est surtout qu’ils adoptent précisément les techniques qu’ils prêtent au wokisme1.
Car qu’est-ce que le wokisme ?
Pour eux, il s’agit d’une idéologie progressiste accusée de substituer la morale à la réalité, d’imposer des normes sociales totalitaires et de diaboliser quiconque refuse de se plier à son catéchisme. Hanouna, dans son émission, dénonce régulièrement un « ordre moral gauchiste » qui instrumentaliserait les questions raciales, de genre ou d’écologie pour museler la liberté d’expression. Praud, lui, assimile le wokisme à une « inversion des valeurs » où le « bien et le mal sont confondus » , critiquant une société qu’il juge trop permissive envers les « minorités agissantes ».
Lorsqu’il est fait référence à ce terme de wokisme, c’est soit pour qualifier une orientation idéologique, soit pour qualifier des pratiques.
Il est clair que sur le fond, si on assimile plus ou moins les positions woke à du progressisme, les porte-voix de Bolloré sont anti-wokes, c’est-à-dire conservateurs, voire réactionnaires.
Pourtant, en creusant leurs discours, une ironie se révèle : Hanouna et Praud pratiquent précisément ce qu’ils dénoncent. Leur stratégie repose sur une moralisation punitive des débats, calquée sur les codes qu’ils attribuent au wokisme, mais retournée contre ses valeurs. Là où le wokisme progressiste cherche à dénoncer les oppressions systémiques, le wokisme de droite qu’ils incarnent stigmatise les « dérives » de la société en opposant une morale traditionaliste, souvent teintée de nationalisme.
C’est vrai sur la forme même de leurs émissions. Touche pas à mon poste est construit d’emblée comme une sorte de tribunal médiatique, qui analyse, valide ou condamne des séquences d’autres chaînes. L’émission reprend les codes des jurys de téléréalité, qui votent sans cesse avec de petits panneaux. Petit à petit, Hanouna a transformé TPMP en tribunal général de la société française où les invités sont jugés selon des critères binaires : patriotes ou traîtres, travailleurs ou assistés, « Français de souche » ou communautaristes.
De la même manière, Pascal Praud mobilise en permanence le registre de la condamnation et de la morale. Il instrumentalise l’indignation pour légitimer une vision hiérarchique du monde, où la fiscalité devient une « honte morale » et l’immigration une « submersion ». Leur rhétorique, comme le note Claire Sécail2, cherche à « banaliser le rejet des institutions démocratiques » en opposant un peuple mythifié à des élites corrompues.
C’est donc en jury populaire qu’ils se présentent.
Cette inversion tactique est révélatrice : le wokisme de droite ne se contente pas de combattre le progressisme, il copie ses méthodes supposées tout en inversant ses valeurs. L’outrance, la simplification manichéenne, la dramatisation des enjeux et l’appel au « bon sens » populaire deviennent des armes pour normaliser un agenda réactionnaire. Les débats, truffés de raccourcis moralisateur, visent à polariser, à flatter les préjugés de leur audience tout en diabolisant l’adversaire.
En cela, Hanouna et Praud illustrent une mutation profonde : le wokisme, loin d’être l’apanage de la gauche, se décline désormais en une idéologie de combat conservatrice, où la morale sert d’outil de domination privilégié.
Si le wokisme est défini comme un système moral coercitif basé sur des postures intransigeantes, alors Pascal Praud en devient un archétype conservateur.
Et c’est logique du point de vue idéologique, car il défend une société coercitive et policière.
Sur le plan idéologique, leur succès tient à cette ambiguïté : en se présentant en défenseurs d’un « peuple » fantasmé, ils légitiment une vision du monde où la justice sociale est perçue comme une menace, et où l’autorité traditionnelle s’impose comme rempart contre le chaos.
En économie, vive les producteurs, à bas les assistés
Pascal Praud, figure centrale de CNews et animateur de L’Heure des Pros, incarne une forme d’« entrepreneur de morale » contemporain, mêlant conservatisme culturel, libéralisme économique et promotion d’un ordre social traditionnel. Ses prises de position, souvent polémiques, s’articulent autour d’une défense agressive de ce qu’il perçoit comme les piliers moraux de la société française, tout en rejetant les normes progressistes qu’il associe à un « nouvel ordre moral ».
Pascal Praud défend une vision libérale de l’économie où la fiscalité est perçue comme une entrave immorale à la liberté individuelle. En septembre 2024, il qualifie toute augmentation d’impôts de « honte morale, scandale politique et hérésie économique », arguant que l’État prélève trop sur les « travailleurs » au profit des « assistés »3. Ce discours, emprunté à la rhétorique de Laurent Wauquiez, postule que le mérite individuel doit primer sur la redistribution, une position cohérente avec son soutien aux thèses libérales-conservatrices4.
À l’inverse, en avril 2025, lors d’un débat sur les Football Leaks, Praud minimise les révélations sur l’évasion fiscale de Cristiano Ronaldo en qualifiant les critiques de « discours de morale »5. Il suggère que les pratiques illégales des élites économiques relèveraient d’une rationalité capitalistique neutre, échappant à l’éthique commune. Cette dichotomie révèle une morale à deux vitesses : intransigeante envers la fiscalité étatique, mais complaisante envers les transgressions des puissants.
De son côté, Hanouna incarne un capitalisme de connivence, où les alliances avec les puissants déterminent la réussite. Son contrat de 250 millions d’euros sur cinq ans avec Canal+6, ainsi que sa fidélité indéfectible à Vincent Bolloré, soulignent l’importance des réseaux d’influence. Cette relation dépasse le simple partenariat professionnel : Hanouna décrit Bolloré comme un « grand frère », un terme révélateur d’une allégeance mutuelle où le capital économique et symbolique se renforcent.
Cependant, cette connivence s’accompagne d’un rejet des élites traditionnelles. Hanouna et Bolloré partageraient un « ressentiment contre l’intelligentsia »7, préférant valoriser l’audace entrepreneuriale aux dépens des diplômes ou de la légitimité intellectuelle. Cette posture anti-élitiste, typique d’un capitalisme populiste, sert à cultiver une image proche du « peuple », malgré des pratiques éloignées des réalités des travailleurs précaires. Comme lui, Praud multiplie les incantations en faveur des « petites gens » et des travailleurs, lui donnant parfois des airs d’Arlette Laguiller.
Cyril Hanouna incarne un paradoxe : milliardaire médiatique, il se présente en porte-voix des « vrais gens ». Son langage – truffé de dialectes tunisiens (rassrah, darka) – et son humour scatologique servent de marqueurs d’« authenticité » face aux « bobos bien-pensants ». Cette rhétorique, empruntée au playbook populiste, construit un nous identitaire opposé aux élites accusées de mépris social.
En 2024, lors d’un débat sur la réforme des retraites, Hanouna apostrophe un chroniqueur proche de la gauche :
« Arrête avec tes grandes théories ! Moi, je parle pour ceux qui se lèvent à 5h, pas pour les fonctionnaires planqués ».
Ce discours, répété quotidiennement, légitime une morale hiérarchique : les « précaires » méritants s’opposent aux « assistés », les « patriotes » aux « cosmopolites déracinés ».
Il incarne à merveille le producérisme d’extrême-droite, théorisé par Michel Feher8 : la valorisation des petits producteurs, de ceux qui font des efforts, qui travaillent, qui le font main dans la main avec les patrons patriotes. Et le rejet des parasites d’en bas – les assistés – et d’en haut : les intellectuels.
Hanouna s’attache à se montrer en travailleur : alors qu’il fait un faux métier typique de l’élite parisienne, il insiste sur le fait d’être un petit patron, de petite entreprise, qui arrive à faire de l’argent. Il met en scène sa détestation des intellectuels par une rhétorique d’humiliation. C’est d’ailleurs la fonction de Thomas Guénolé dans la dernière partie de son émission : incarner l’intellectuel de gauche qu’on peut humilier, à qui on a le droit de dire « ferme ta gueule », qu’on peut dominer physiquement pour se venger de ce « donneur de leçons ».
Cyril Hanouna promeut une vision du travail fondée sur la loyauté envers ses soutiens et la capacité à s’adapter aux contraintes du marché. Lorsque la chaîne C8, contrôlée par Vincent Bolloré, a cessé d’émettre en 2025 en raison des sanctions de l’Arcom, Hanouna a immédiatement transféré TPMP sur des plateformes numériques (YouTube, Dailymotion) et intégré le groupe M6, saluant l’« idée de génie » de Bolloré pour cette transition. Cette réactivité illustre sa croyance en un capitalisme résilient, où l’innovation et la flexibilité priment face aux obstacles réglementaires.
Cependant, cette adaptabilité s’accompagne d’une hiérarchisation marquée des rémunérations. Alors que Hanouna percevait près de 40 000 euros mensuels via sa société H2O Production – sans compter des dividendes secrets –, les techniciens intermittents de Canal+ subissaient une baisse de 30 % de leur cachet9. Les chroniqueurs, quant à eux, touchaient entre 300 et 500 euros nets par émission, une somme dérisoire comparée aux 2 000 euros par épisode versés à Raquel Garrido, chroniqueuse occasionnelle en tant que caution de gauche. Ce qui coûte le plus cher dans l’émission, c’est Hanouna d’abord, l’illusion de pluralité ensuite.
Le rejet de la politique
La force de Hanouna réside dans sa capacité à politiser l’apolitique. Cyril Hanouna cultive un mépris affiché pour la politique institutionnelle, qu’il réduit à un théâtre d’hypocrisie. En 2023, il déclare :
« La politique, c’est comme la météo : ça occupe les gens, mais ça ne change rien ».
Cette rhétorique, couplée à son mantra « ici, on ne fait pas de politique », lui permet d’inviter des figures d’extrême-droite comme Jean Messiha ou Thaïs d’Escufon, sous couvert de « débat grand public » où il s’agit de « donner la parole à tous ».
En 2022, un chiffre résume cette dérive : 53 % du temps d’antenne politique de l’émission est consacré à l’extrême-droite lors de la campagne présidentielle.
Son rejet des partis traditionnels s’accompagne d’une moralisation du privé. Il réduit les enjeux sociaux à des histoires individuelles (« Ceux qui se lèvent à 5h »), évacuant les structures de pouvoir.
En 2024, il interrompt un chroniqueur évoquant les inégalités :
« Arrête tes leçons ! Moi, je parle des vrais problèmes : le SMIC, les retraites… Pas de vos théories de gauchistes »10.
L’humiliation du politique – de gauche – culmine bien sûr avec la séquence où Louis Boyard est insulté et menacé physiquement par Cyril Hanouna.
« Quand je vois l’état de la France, je me suis dit que je pouvais vraiment faire quelque chose pour les Français. Mais la France est gouvernée par les hauts fonctionnaires et elle n’est plus gouvernable. Mon père est d’origine tunisienne, et il fait partie de ces étrangers qui veulent se battre pour la France. Je fais une émission qui aime la France et qui aime les Français. Moi je tape sur les gens qui font reculer la France. L’intolérance est à gauche aujourd’hui et dans ces médias de gauche. Je suis ouvert à tout le monde et à tous. L’élection présidentielle de 2027, c’est non, car il y a des gens qui font ça mieux que moi. »
Pascal Praud partage cette méfiance envers le politique, qu’il assimile à une corruption morale. En 2025, il assène :
« Les partis sont des machines à fabriquer des trahisons »11.
Pourtant, il légitime des figures comme Éric Zemmour en les présentant comme « hors système », tout en diabolisant la gauche (associée à la « morale punitive », et régulièrement au maoïsme, au stalinisme, au totalitarisme)12. Et surtout, il prend fréquemment la défense du RN, y compris face à des chroniqueurs d’extrême-droite.
Cela ne l’empêche pas de morigéner Jordan Bardella : « Vous avez envie – je ne sais pas si c’est la bonne stratégie – que le système vous aime. Je n’ai pas de conseil à vous donner mais je vous dis ‘attention’ parce qu’ils ne vous aimeront jamais (…). Le système médiatique ne vous fera aucun cadeau » « Vous voulez plaire au système médiatique. Vous êtes allé chez Léa Salamé, sur le service public. Vous avez envie de convaincre les gens qui n’adhèrent pas au Rassemblement national qu’ils pourraient demain voter pour le Rassemblement national ».
Comme l’explique un chroniqueur de L’heure des pros, ce qui différencie les partis de la droite nationale n’est pas tant le programme, car « ce n’est plus un programme alternatif qui nous sauvera mais une personnalité dont nous pourrons être fiers, d’abord parce que grâce à ce qu’elle est, nous aurons la certitude qu’elle ne nous abandonnera pas au milieu du gué démocratique ». C’est précisément que « nous avons besoin d’une révolution intellectuelle et morale et, j’ose le dire, d’une autre humanité à la tête du pays, avec des vertus qui ont quasiment disparu du champ républicain, en tout cas qui ont été noyées, étouffées par les combinaisons partisanes et la faiblesse des caractères »13.
C’est en cela que l’exigence morale de Pascal Praud doit être comprise. Il se fait aussi le porte-voix de ceux qui s’inquiètent que le plan B de Marine Le Pen soit facilement absorbable par le système.
Le nationalisme chrétien
Une émission absolument délirante de CNews qui se préoccupait de la montée en puissance des démons dans la société avait provoqué l’hilarité générale.
Cyril Hanouna lui aussi est profondément attaché à défendre la religion.
« J’en ai assez qu’on se moque de la religion catholique ! Excusez-moi, c’est devenu insupportable, et je vous le dis. J’en ai marre. Je vais vous dire ,j’en ai vraiment assez. Je n’en peux plus ! »… « les tableaux, les parodies, les caricatures… Ça devient insupportable ». Hanouna à propos de la “Cène” de Philippe Katerine aux Jeux Olympiques
En mars 2025, Praud déplore une société où « l’inversion des valeurs est la règle, le bien et le mal sont confondus »14. Ce narratif, emprunté aux théoriciens du déclin civilisationnel, postule une décadence morale liée à la perte des repères traditionnels. Il l’illustre en critiquant les normes progressistes sur le genre, l’immigration ou la justice sociale, perçues comme des menaces pour l’« identité nationale ».
Praud revendique une mission de défenseur de la « culture française, la langue française, [et] notre histoire », thèmes qu’il refuse de laisser à l’extrême droite15. En mai 2022, il compare sa vision de la France à celle d’Éric Zemmour, soulignant préférer voir « des jeunes filles à l’occidentale plutôt qu’entrer dans l’océan couvertes des pieds à la tête »16. Ce culturalisme normatif, centré sur une esthétique nationale fantasmée, sert de socle à une morale excluant les expressions jugées « non françaises » et obsédées par les habits des jeunes femmes, alternant les polémiques sur les crop-tops et les abayas.
Praud promeut un modèle familial autoritaire, où les parents doivent imposer leur volonté sans concession. En mars 2021, il vante sa méthode éducative : confiscation nocturne des smartphones, présentée comme garante de l’« autorité » parentale face à la « régression » des mœurs juvéniles17. Cette vision, teintée de nostalgie pour un ordre patriarcal, s’inscrit dans une critique plus large de la « perte des interdits » qu’il associe à la montée de la violence adolescente.
Sur le modèle des relais américains du trumpisme, Pascal Praud incarne une forme d’entrepreneuriat moral où la défense des valeurs traditionnelles sert à légitimer un ordre économique et social structurellement inégalitaire. Son discours, mêlant libéralisme fiscal, conservatisme culturel et autoritarisme familial, reflète les tensions d’une droite française tiraillée entre modernité capitaliste et nostalgie réactionnaire.
Une étroite conception de la liberté
Hanouna défend une liberté d’expression sans entraves, fustigeant la « police morale » de l’Arcom18. Pourtant, sur son plateau, il impose un contrôle strict des prises de parole, n’hésitant pas à interrompre ou humilier les chroniqueurs dont les propos divergent de sa ligne19. En 2023, il coupe le micro d’un chroniqueur critiquant Bolloré :
« Tu déconnes ! Ici, on respecte les bienfaiteurs »20.
Ce double standard révèle une conception instrumentale de la liberté : réservée à ceux qui adhèrent au projet médiatique du leader, elle devient un outil de consolidation du pouvoir plutôt qu’un principe universel.
De la même manière, il est parfois étonnant d’entendre le même Pascal Praud que celui qui pérore sur le bien et le mal défendre de temps à autre la liberté des créateurs. En 2025, il compare les critiques contre CNews à de la « censure soviétique »21.
Pourtant, c’est le même qui dans sa tirade face à Bardella, à qui il reproche d’être soumis au Système, s’inquiète qu’on s’attaque au physique d’Eric Ciotti (sa calvitie en l’occurrence). Ce à quoi même Bardella répond – dans une réponse calquée sur la rhétorique de Praud lui-même : « On est dans un pays de liberté, on a encore le droit de faire de l’humour sur un plateau de télévision. Vous ne pouvez pas me dire parce qu’il y a un humoriste qui a fait une blague sur Éric Ciotti et que je ne me suis pas levé en quittant le plateau que je me soumets au politiquement correct”.
Cette tension sur le thème du free speech n’est pas une contradiction gênante, c’est plutôt un outil grâce auquel les entrepreneurs de morale d’extrême-droite travaillent à la reconfiguration de nos conceptions.
Au-delà de la question de la liberté d’expression, les mêmes tensions travaillent les visions de la liberté en matière de mœurs, par exemple.
Là non plus, l’agenda des animateurs Bolloré n’est pas tout à fait aligné sur celui du RN.
Les paradoxes du RN affleurent sur ces questions : car il s’agit pour eux de capter un électorat relativement progressiste sur certains sujets, par exemple sur la sexualité et la place des femmes, et au sein duquel bien peu adhèrent à une vision biologique du racisme. S’il est obligé de manier un double discours sur ces questions, c’est malgré tout l’un des seuls partis nationalistes européens qui a durablement fidélisé un électorat féminin. De fait, si le RN relaie en partie une vision conservatrice des femmes (en insistant sur la prise en compte des femmes au foyer), il ne fait pas campagne pour un recul des droits des femmes – contrairement à Orban ou Trump -, et défend le fait que leur sécurité est une priorité, se rapprochant ainsi du discours fémonationaliste. La stratégie de Marine Le Pen est de capter des anciens électeurs de gauche pour qui la question identitaire est devenue centrale, mais qui n’embrassent pas les marottes réactionnaires, et qui sont éloignés de la religion. Un électorat de classe moyenne, favorable par principe aux droits reproductifs, et qui peut même regretter la période de la libération sexuelle.
Dans cette perspective, il s’agit de s’appuyer sur l’attente majoritaire de la liberté des femmes, comme de la liberté sexuelle, pour fustiger la menace islamiste. Il s’agit de faire comme si Daesh était aux portes du pouvoir en France, et qu’un califat menacerait les femmes et homosexuels français de la même manière qu’il a martyrisé les Syriennes. L’ennemi principal étant identifié comme étant les immigrés issus d’Afrique du Nord et les musulmans, tout ce qui n’est pas leur ennemi est transformable en soutien politique.
En écho aux ambiguïtés du RN soucieux de parler à un public attaché aux « libertés », on a ainsi entendu Pascal Piraud affirmer qu’il est davantage « anarchiste » que « réactionnaire ».
Le plus souvent, Hanouna, normalisant les abus sexuels et l’homophobie, ne s’encombre pas de ce genre de subtilité. Il a été santionné pour ses canulars sur « Jean-Kevin la folle » en 201722, à la suite duquel la perte de recettes publicitaires l’a conduit à modérer cette tendance.
À l’inverse, plus aligné sur la tendance homonationaliste du RN, l’homosexualité est l’un des rares sujets sur lequel Praud exerce de fréquents rappels à l’ordre, comme il l’a fait à propos de Lucie Castets. Et il faut dire que les dérapages sont fréquents. Il a presque défendu les ouvertures du pape François sur le sujet, qu’il jugeait pourtant trop woke, lui aussi, sur la question migratoire. Il prend régulièrement le risque de bousculer ses auditeurs les plus réactionnaires, en leur expliquant avec pédagogie que l’homosexualité ne relève pas de la psychiatrie.
Comme quoi, il lui arrive même d’être woke jusqu’au bout.
1comme le note déjà le politiste Olivier Roy, pour qui “la droite aussi fait du wokisme” https://le1hebdo.fr/journal/wokisme-fantasmes-ou-ralit/488/article/la-droite-aussi-fait-du-wokisme-6462.html
2Claire Sécail, « Cyril Hanouna n’est qu’un pion de la bataille culturelle que mène l’extrême droite pour préparer une victoire électorale ». Entretien avec Johan Faerber. Collatéral. 2 février 2024. https://www.collateral.media/post/claire-s%C3%A9cail-cyril-hanouna-n-est-qu-un-pion-de-la-bataille-culturelle-que-m%C3%A8ne-l-extr%C3%AAme-droite
3https://www.cnews.fr/france/2024-09-30/pascal-praud-toute-hausse-dimpot-mapparait-comme-une-honte-morale-un-scandale
4https://www.valeursactuelles.com/societe/je-ne-pourrais-jamais-jouir-de-la-meme-liberte-ailleurs-pascal-praud-encense-cnews
5https://www.acrimed.org/Football-Leaks-quand-Pascal-Praud-justifie-l
6https://www.capital.fr/entreprises-marches/hanouna-gagne-un-pactole-alors-que-ses-techniciens-perdent-jusqua-30-de-leur-cachet-1326769
7https://www.lexpress.fr/societe/la-tyrannie-hanouna-racontee-de-l-interieur-ne-me-nommez-surtout-pas-il-me-fait-peur_2184301.html
8Michel Feher, Producteurs et Parasites.
9https://www.capital.fr/entreprises-marches/hanouna-gagne-un-pactole-alors-que-ses-techniciens-perdent-jusqua-30-de-leur-cachet-1326769
10Archive TPMP, C8, 12 mars 2024
11 Pascal Praud, L’Heure des Pros, CNews, 15 janvier 2025.
12Acrimed, Football Leaks : Quand Praud justifie l’évasion fiscale (2025).
13https://www.philippebilger.com/blog/2021/11/plus-quun-changement-politique-une-r%C3%A9volution-intellectuelle-et-morale.html
14https://www.cnews.fr/france/2025-03-19/pascal-praud-dans-ce-monde-linversion-des-valeurs-est-la-regle-le-bien-et-le-mal
15https://www.valeursactuelles.com/societe/je-ne-pourrais-jamais-jouir-de-la-meme-liberte-ailleurs-pascal-praud-encense-cnews
16https://www.programme-television.org/news/people/politique/pascal-praud-je-veux-defendre-la-culture-francaise-la-langue-francaise-notre-histoire-4688175
17https://www.programme-television.org/news/tv/emissions-tele/pascal-praud-se-confie-sur-sa-vie-de-famille-croyez-moi-l-autorite-ca-file-4670387
18https://www.la-croix.com/continuer-tpmp-sur-internet-est-une-idee-de-bollore-assure-hanouna-20250303
19https://www.lexpress.fr/societe/la-tyrannie-hanouna-racontee-de-l-interieur-ne-me-nommez-surtout-pas-il-me-fait-peur_2184301.html
20Mediapart, 2023.
21Émission L’Édito, CNews, 24 octobre 2024.
22Sanction Arcom n°2017-258 pour « propos homophobes »